“Radi-Aid, Africa for Norway” est une campagne qui vise à provoquer chez le public une réflexion sur l’image que les campagnes de fundraising diffusent pour atteindre leur objectif de collecter des fonds pour les projets de développement internationaux. Une initiative originale qui montre une volonté de briser le modèle de pensée misérabiliste propagé par plusieurs ONG.
Les étudiants norvégiens et le Fond Academique d'aide internationale, avec la collaboration d’Operation Day’s Work, le financement de l'Agence norvégienne pour la coopération au développement (NORAD) et Le Conseil de la Jeunesse et des enfants norvégiens ont produit une vidéo qui met en scène une hypothétique campagne pour la collecte de dons en Afrique en faveur des pauvres norvégiens qui meurent de froid.
Africa for Norway youtube Video |
Le message est clair : en finir avec les stéréotypes, pour une meilleure information, plus de respect, et répondre à des vrais besoins
Voici les quatre idées fondamentales défendues dans cette campagne :
- Le Fundraising (l’activité de lever des fonds) ne devrait pas être fondé sur des stéréotypes exploitant des images tristes, misérabilistes ou partielles de ce qui se passe dans le monde.
- Les membres de SAIH demandent une meilleure information dans les écoles, à la télévision et dans les médias en général. Pour assurer cette bonne information, il faut arrêter de simplifier les faits, ne pas seulement parler des mauvaises nouvelles liées à l’Afrique, mais aussi des changements et des développements positifs en Afrique et dans les pays en développement. Ne pas seulement parler des crises, de la pauvreté et du sida. SAIH demande surtout plus d’information sur l’impact négatif des actions des pays occidentaux sur les pays en développement.
- Les médias doivent adopter un comportement plus éthique. De la même manière que les médias ne diffusent pas de photos de bébés “occidentaux” sans la permission de leurs parents, ils ne devraient pas le faire non plus avec les enfants des pays que nous « aidons ». Les règles d’éthique des médias occidentaux doivent s'appliquer de la même façon partout dans le monde.
- L'aide doit être basée sur les besoins réels, et non pas seulement sur des «bonnes» intentions. Il faut prendre en compte pour le développement d’un pays plusieurs facteurs structurels importants, comme la coopération et l’investissement ; l'aide n'est pas la seule réponse.
Education pour la libération économique, politique, sociale et culturelle des les pays au Sud
La philosophie de SAIH consiste à renforcer la solidarité internationale entre les étudiants norvegiens et les pays du Sud. Leur fonctionnement est innovant dans la mesure où leurs activités sont financées par eux-même, ce qui expliquerait cette ferme conviction opposée aux pratiques courantes du fundraising.
Le regard migrant face aux politiques et aux démarches d’aide au développement
Certaines associations, ou certaines stratégies de développement, pensent apporter un regard "du Sud" dans leurs démarches de coopération ou d’aide, en favorisant l’intégration dans leurs équipes des personnes issues de l’immigration. Ce phénomène, parfois même instauré comme démarche stratégique, est une des voies possibles pour améliorer la réflexion critique sur les actions menées au Sud.
En témoigne par exemple l’expérience de Myrlande Charelu, qui a publié sur son blog le 17 juillet 2012 une note intitulée “Confession of a Haitian working for an American non-profit organization in Haiti” ("Confession d'une travailleuse haïtienne pour une ONG americaine en Haïti"). Myrlande a été choquée, pendant son stage en Haiti avec l’ONG World Wide Village, par certains propos et stéréotypes au sein de cette association, tels que: "les Haïtiens aiment être assis autour et laisser les autres venir régler leurs problèmes” ou "la seule raison pour laquelle il vous parle c'est parce que vous êtes une femme, j'ai vu comment les hommes haïtiens agissent avec les femmes” ou “Je pense que les femmes haïtiennes ont besoin d'aide sur la façon d'élever leurs enfants"…
Etant la seule haïtienne dans le groupe, Myrlande a trouvé que l’association manquait de respect envers la population qu’elle venait “aider” et elle a décidée de diffuser cette expérience, en espérant motiver les association à se remettre en cause sur leur façon de travailler dans des contextes interculturels.
En tout cas, cette volonté de montrer "un autre regard" sur les informations données sur les populations du Sud, soit à destination des donateurs potentiels à travers les médias, soit à l’intérieur même des équipes de coopération pour le développement dans leur quotidien, pourrait être le point de départ d’un changement de ce qui a été jusqu'à aujourd’hui la façon de communiquer sur le Sud.
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Le billet qui suit a été publié il y a quelques années à Genève, là-même où s'épanouissent certaines des séquelles (trop) présentables du phénomène décrit ci-dessoous. J'y souscris pour ma part.
ReplyDeleteLa belle vie dans une colonie humanitaire
(Arnaud Dubus)
«L'hygiène orale est une condition de la propreté.» «Ne discriminez pas les malades mentaux.» «Les femmes ont un rôle essentiel dans la gestion de l'eau.» Ce sont quelques-unes des dizaines de banderoles qui flottent sur les avenues ombragées de Phnom Penh. En anglais et en khmer, les Cambodgiens se voient asséner à tous les coins de rues les bons conseils signés de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou de l'une ou l'autre des ONG parmi la myriade d'associations bien intentionnées qui fourmillent dans les rues de la capitale et jusque dans le moindre recoin du pays.
A Ban Long, bourg perdu et poussiéreux de la province de Ratanakiri, près de la frontière vietnamienne, une dizaine de représentants d'ONG se retrouvent tous les midis à «l'American restaurant» pour «garder le contact». Un jeune New-Yorkais s'occupe de la protection des oiseaux. Une Australienne fraîchement débarquée de Sydney tente d'expliquer aux tribus montagnardes de la province, qui sont pour la plupart et depuis des siècles de type matriarcal, qu'il faut placer «la femme au centre du développement». Des dizaines «d'experts» étrangers sont ainsi employés au sein des ministères cambodgiens tout en étant rémunérés par les donateurs occidentaux. Leurs salaires engloutissent une part significative du budget national.
Le charme provincial de Phnom Penh est coloré par le passage incessant de 4x4, arborant des sigles compliqués, qui fendent la foule des miséreux dans les rues défoncées. Phnom Penh a l'allure d'un camp de réfugiés. Les «expats» se retrouvent le soir en terrasse au bord du fleuve Tonle Sap pour déguster mets chinois et vins français à des prix exceptionnellement bon marché pour la région. Incontestablement, certains font un travail indispensable, comme ceux qui tentent d'entraver la déforestation accélérée du pays par des firmes taïwanaise ou malaisienne sans scrupule.
Cette recolonisation du Cambodge par les organisations humanitaires pose néanmoins des questions. Les missions humanitaires ne sont-elles pas parfois devenues le moyen pour certains de s'aménager une vie confortable dans un cadre exotique? Qui des organisations humanitaires occidentales ou du Cambodge a le plus besoin de l'autre? La bonne conscience humanitaire est-elle si différente de la «mission civilisatrice» des colonisateurs d'hier?