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Monday, November 3, 2014

Le suivi des données du virus de l' Ebola, un exemple de data-solutionnisme ?

Ces derniers mois, les initiatives essayant de mieux traquer les nouveaux cas d'Ebola à travers l'analyse des données téléphoniques ou issues des réseaux sociaux, à l'aide d'impressionnantes cartographies et visualisations des données se sont multipliées. Mais quel est l'impact réel de ces "solutions" pour combattre cette épidémie? 
http://www.worldpop.org.uk/ebola/

Le Big data ne nous permet pas de savoir pourquoi, mais seulement quoi. Dans le dernier livre d' Evgeny Morozov : «Pour tout résoudre, cliquez ici» , l'essayiste d'origine biélorusse cite la question du big data comme illustration du "solutionnisme" ambiant.

Selon Viktor Mayer-Schonberger et Kenneth Cukier, "le big data, est une révolution qui va transformer comment on vit, travaille et pense, mais une fois que nous embrasserons pleinement le Big Data, la société devra payer une partie de son obsession pour la causalité en échange de corrélations simples : sans savoir pourquoi, mais seulement quoi.”

Echec de Google Flu trends, idem avec Ebola


Le big data a été utilisé comme un moyen de nous aider à identifier les premiers signaux de futures épidémies. Il est possible aujourd'hui de suivre les mouvements des épidémies en temps réel. Mais un premier échec a été constaté quand Google, qui s’était dit en 2008 capable de prévoir la propagation de la grippe, a largement surestimé le nombre de malades avec son outil Google Flu Trends.

http://healthmap.org/
Une nouvelle fois, les limites du big data on été constatées au sujet de l'épidémie de l'Ebola, comme l'explique un article de Foreign Policy qui montre comment l'initiative de HealthMap n'a pas pu prédire cette épidémie. Le premier avertissement public international de l'épidémie imminente n'est pas venu de l'exploration de données ou des médias sociaux, mais par des voies plus traditionnelles: le département de santé gouvernement guinéen a détecté l'épidémie sur le terrain et a alerté l'OMS. 

HealthMap a seulement "détecté" la reprise du communiqué de presse du gouvernement guinéen par une agence d'information chinoise, ce qui signale la barrière de la langue comme l'un des principaux obstacles à l'identification précoce de l'épidémie. Alors que les premières informations sur l'Ebola étaient diffusés en français et portugais, la plupart des systèmes de surveillance aujourd'hui en place sont anglophones.

La visualisation des données et la cartographie, pour quoi faire?


Fin août 2014, le MIT a publié un article qui dévoile que la société Orange a confié aux chercheurs de l'ONG suédoise Flowminder les données collectées en 2013 sur 150 000 téléphones portables au Sénégal. Les chercheurs de l'ONG ont crée une carte à partir de ces informations qui permettait de visualiser les déplacements de la population vivant en Afrique de l'Ouest et ainsi détecter à l'avance les foyers qui pourraient se contaminer du virus. Usine digitale a mentionné cette opération sur leur article : Le big data pour prédire la propagation du virus de l'Ebola. 

La page Worldpop resemble une série de cartes visualisation de données sur les pays en Afrique de l'Ouest couvrant la répartition et les schémas de mobilité pour le contrôle de l'épidémie. HealthMap, un service qui analyse les données issues de millions de messages publiés sur les médias sociaux et autres médias informels, rassemble également les dernières informations sur l'épidémie. L'objectif de ces visualisations serait de faciliter des informations sur la propagation du virus.

La Croix Rouge et MSF voient dans la cartographie un intérêt pour localiser les cas d'Ebola, suivre l'épidémie et aider la prise de décision dans les actions à mener. Ainsi, Le Missing Maps projet utilise la plateforme OpenStreetMap, visant à cartographier les zones où les ONG devront se rendre sans problème.

La Croix Rouge explique dans un article comment "Des bénévoles numériques cartographient les zones touchées par Ebola". Il existait « très peu de données sur la région touchée, certaines cartes dataient du XIXe siècle », explique Gaël Musquet, coordinateur en France de l’organisation collaborative Open Street Map, véritable « Wikipédia de la cartographie » utilisée notamment par les bénévoles de CartONG. Depuis le déclenchement de l’épidémie, 500 personnes du monde entier se sont mobilisées pour livrer les données cartographiques indispensables à l’action des ONG sur le terrain. « À partir d’une carte satellite du pays, il s’agit grâce à Open Street Map, d’ajouter les données », détaille Johan Richer.

Cependant, l'ONG CartONG se pose la question de l'impact de ce type d'action pour les populations locales, au-delà de la réponse urgente à la crise. Les cartes et la donnée produites servent-elles et serviront-elles à la population par la suite?."Nous nous demandons comment répondre a cette problématique, par exemple en laissant sur place des cartes aux autorités locales." Des "collaborations" externes sous un prisme "urgentiste" se pose rarement de telles questions.

Image: MSF (http://www.citymetric.com/)

Etre mieux informé à travers les nouvelles technologies pour mieux contrôler le virus

 

Pour combattre cette épidémie, l'information est un point clé des logisticiens et des organisateurs communautaires. Les nouvelles technologies sont donc un outil, mais sont-elles est vraiment seulement perçues comme un outil ou leur prête-t-on trop vite des qualités miraculeuse?

Techchange.org a publié une liste des différentes technologies utilisées dans la gestion de l'épidémie d'Ebola. En plus du suivi à travers la cartographie et la géolocalisation, techchange cite :

- MAGPI : La collecte d'informations à l'aide de formulaires de collecte à destination des organisations travaillant contre le virus. Cette initiative remplace les formulaires papier par formats numériques qui peuvent être remplis à l'aide de leurs téléphones. 

RapidPro
- L'utilisation du réseau Wi-Fi local pour connecter les patients dans la salle d'isolement avec leurs proches par le biais des appels vidéo: Les deux ordinateurs doivent être sur le même réseau car les connexions Internet locales sont trop lentes. Dans les situations où les appels vidéo ne sont pas possible, on fournit aux patients des téléphones portables bon marché. Cette pratique est notamment mise en place par Save the Children.

- Partager et recevoir des informations via SMS : mHero  est un système de SMS spécialement conçu pour partager des informations avec les travailleurs de la santé. Il fonctionne avec le système RapidPro de l'UNICEF. RapidPro est également au cœur d'un système de communication bidirectionnel qui est actuellement mis en place par l'UNICEF, Plan International et les Scouts.

D'autres initiatives:

IBM a également un système de collaboration avec des compagnies de téléphonie mobiles locales et des universitaires pour permettre aux personnes vivant dans des zones où sévit l'épidémie d'envoyer des messages instantanés gratuits. L'application permet de les localiser précisément et donc d'évaluer les besoins locaux.  De plus, IBM meut à disposition des chercheurs ses outils d'analyse des données.

- Utilisation des réseaux sociaux contre la désinformation des communautés : Les médias sociaux peuvent jouer un rôle important dans la correction de la désinformation et l'OMS et le CDC utilisent leurs réseaux sociaux de cette façon. 

- Traduction en ligne : Traducteurs Sans Frontières aide les ONG à distance partout dans le monde pour traduire des affiches et informations dans les langues locales.

www.engayde.org
- La BBC à son tour a lancé  un service d'information de santé publique sur WhatsApp, destiné aux utilisateurs du service en Afrique de l'Ouest. Le service offre des alertes audio ou par messages texte et des images pour aider les gens à obtenir les dernières informations de santé publique pour lutter contre la propagation du virus Ebola dans la région. Le contenu est limité à trois articles par jour, et le service disponible en anglais et en français. 

- EngAyde: La diaspora Sierra Leonaise s'est aussi coordonnée pour collecter des dons pour soutenir les victimes de l'épidémie et pour coordonner l'aide en utilisant la plateforme EngAyde.

L'expérience a montré que les données ont été très importantes pour contrôler l'épidemie... mais beaucoup reste encore à faire
 

Le ministre nigérian des Communications et de la Technologie, Omobola Johnson, a affirmé lors d'une conférence que la technologie et les médias sociaux avaient été des éléments clés pour débarrasser le Nigeria d'Ebola. "Une combinaison d'applications Android, de Facebook et de Twitter ont été cruciaux dans le combat du Nigeria contre le virus Ebola. Avec ce virus, le temps est très important. L'application pour téléphones a permis de réduire de 75% le temps d'alerte quand une personne tombait malade", un élément déterminant qui a permis de contenir au maximum l'épidémie, a-t-il déclaré.

Pour ne pas tomber dans le techno solutionisme, ou data solutionnisme, l'intégration des ressources techniques utilisées lors de cette expérience devra être assurée dans la pratique à long terme, sans tomber dans l'opportunisme caractéristique des collaborations "humanitaires" ponctuelles.

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